I - L'ENJEU DU GRAISSAGE

Il est bien connu que lors de la marche d'un train en courbe, les boudins des roues s'appuient et frottent sur le rail, afin d'obliger l'essieu à suivre la voie. Or, s'il y a frottement, il y a nécessairement:



A) La perte d'énergie de traction


Ce problème a fait il y a une vingtaine d'années, l'objet de nombreuses recherches aux Etats-Unis, menées avec d'importants moyens de mesure, sur la voie d'expériences de Pueblo, ainsi que sur des lignes commerciales. Les résultats font état d'économies d'énergie de traction de l'ordre de 5 à 15% à la suite du graissage de la voie.



En France, les seules données connues proviennent d'un article de la Revue Générale des Chemins de Fer de 1951 et font état d'une diminution de la consommation de charbon des locomotives du dépôt de Langeac d'environ 5%.

Actuellement en France, les économies d'énergie possibles seraient certainement beaucoup plus limitées, du fait des courbures de voie plus faibles et de la technologie des bogies, qui leur permet une meilleure inscription dans la voie. L'économie d'énergie de traction dûe à la réduction du frottement entre rail et boudin est actuellement considérée en France comme marginale vis à vis des économies réalisables sur les rails et boudins.



B) L'usure des boudins



Les usures excessives des boudins signalées dans la Revue Générale des Chemins de Fer en 1951 (le 1° essieu du tender des 141 E du Dépôt de Langeac devait être reprofilé au bout de 8000 Km !) ne sont plus heureusement qu'un lointain souvenir. (Fig. 1). Actuellement, hormis quelques cas particuliers et quelques périodes de "crise", on ne peut pas dire que l'usure des boudins soit un problème préoccupant à la SNCF.

On peut exceptionnellement rencontrer ce phénomène, notamment sur certains véhicules équipés d'amortisseurs antilacet à la faveur d'un défaut temporaire de graissage (cas des TGV PSE, qui n'avaient pas été équipés d'origine en graisseurs au moment de la mise en service de la LGV PSE, TGV tricourant dans le Jura, ligne C du RER durant l'été 1997 etc).

En 1999/2000, la situation s'est dégradée et les usures anormalement rapides de boudins ont réapparu. On estime que le manque de graissage des rails cause une dépense d'environ 24 MF par an.



C) L'usure des rails



On rencontre lors des défauts de graissage le chanfrein caractéristique de la file haute (fig2), et dans les cas graves le grippage de la face active du rail et la présence de limaille (paillettes brillantes) à cet endroit, où on peut en recueillir en passant le doigt, et sur le patin du rail.

De tels rails seraient susceptibles de favoriser le déraillement par ascension du boudin, d'une part à cause du grippage qui leur donne un coefficient de frottement élevé, d'autre part à cause du rebord inférieur du chanfrein qui sert d'appui aux boudins hauts.

C'est pourquoi les services de la voie ont établi des règles de retrait du service des rails chanfreinés.



La vitesse d'usure latérale des rails dépend de nombreux paramètres et il est difficile de l'évaluer. En dehors du graissage, elle dépend :





Les études fragmentaires effectuées en 1981 établissent qu'un rail posé en courbe et non graissé peut supporter un trafic de 20 à 60 millions de tonnes avant son retrait du service. Avec graissage, cette valeur est montée à 160 millions de tonnes, et on a trouvé des exemples à 300 millions de tonnes. Il ne faut pas perdre de vue que lorsque le retrait dû à l'usure latérale est reculé, on peut être amené à remplacer le rail pour d'autres défauts, dont l'effet avait été masqué jusque là.



Le coût de remplacement de la file haute, comprenant fournitures, main d'oeuvre et récupération des rails usés a été évalué par la Direction de l'Equipement à 160000 F (81) par kilomètre de voie. Des estimations plus récentes (1999) ont évalué ce coût à 800000 F (122000 €).

Les remplacements de rails supplémentaires dus à l'insuffisance de graissage sont évalués par l'Infrastructure à une cinquantaine de kilomètres par an, soit 40 MF (6,1M€).

C'est ce chiffre qu'il faut retenir, car c'est de là que provient essentiellement le gain apporté par le graissage des rails.



D) Les perturbations du trafic

Lors d'une usure importante du rail, il y a formation d'une quantité non négligeable de limaille. Cette limaille arrive à court-circuiter les joints isolants des rails et provoquer de ce fait des perturbations de la signalisation (mise au « rouge » intempestive de signaux) et donc gêner la circulation des trains.



E) Risque de déraillement

Un graissage satisfaisant réduit le risque de déraillement en rendant plus difficile l'ascension du boudin sur le rail. Dans des conditions limites, un déraillement pourra se produire sur rail sec et pas sur rail graissé. Pour des raisons de sécurité évidentes, il n'est pas admissible de faire dépendre du graissage la protection contre le déraillement. Les conditions de pose de la voie et de caractéristiques des suspensions sont nécessairement établies pour une voie sèche,



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