ET QUAND CA NE MARCHE PLUS
Le graissage en situation dégradée
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Lorsque chaque train apporte au moins autant de lubrifiant qu'il en utilise, le graissage est assuré correctement. Lorsque cette quantité est respectée en moyenne, c'est à dire certains apportant moins de lubrifiant et d'autres plus, à condition que la répartition soit correcte, sans gros «trous» le graissage est encore assuré correctement.
Mais si le «potentiel graisseur» du parc d'engins moteurs est insuffisant, localement ou sur l'ensemble d'un réseau, alors on entre en situation dégradée.
LE MECANISME DE LA DEGRADATION
Lorsque le graissage est suffisant, il y a assez de lubrifiant pour assurer un régime de frottement viscohydrodynamique entre rail et boudin en courbe.
Lorsque le graissage devient insuffisant, on passe en régime de frottement onctueux avec une usure relativement faible. C'est dans cette période que les lubrifiants biodégradables à base végétale manifestent leur supériorité.Les coûts de maintenance des essieux et de la voie grimpent, mais la maintenance reste maîtrisable.
Lorsque le graissage devient très insuffisant, on a un contact métal sur métal rail/boudin, avec arrachement de paillettes. Cette situation arrive assez brutalement, il semble que l'on atteigne un «seuil» à partir duquel la situation empire très rapidement, l'usure «s'emballe». tous les essieux et les rails en courbe présentent un aspect très rugueux et s'agressent l'un-l'autre dans une réaction en chaine. La durée de vie des rails est réduite à quelques mois et les roues doivent être reprofilées au bout de quelques semaines.
Une telle situation devient rapidement ingérable, les tours à reprofiler sont saturés, les approvisionnement n'arrivent pas à suivre, les voies doivent être fermées à la circulation pour travaux, de nombreux véhicules sont bloqués en attente de réparation et inutilisables pour le service, et de nombreux trains doivent être supprimés.
Bien entendu, l'autorité de tutelle ou les actionnaires, suivant le cas, demandent alors des comptes aux dirigeants, qui se trouvent alors sur un «siège éjectable».
Heureusement cela n'arrive pas souvent, dans la plupart des cas la dégradation de la situation ne dépasse pas l'étape du paragraphe précédent.
Le rétablissement de la situation normale nécessite une phase de graissage intensif pour rétablir le film lubrifiant et une phase de remise à niveau du graissage courant pour se maintenir en régime établi.
Ces opérations sont très coûteuses et très voraces en main d'oeuvre, sans commune mesure avec le maintien en état du potentiel graisseur courant.
Cette phase peut être efficacement réalisée lorsqu'on dispose de draisines graisseuses, qui sont envoyées en ligne dans les intervalles sans circulations,
Si vous avez de pareils problèmes, vous pouvez faire appel à moi, ayant vécu des situations semblables, je pourrai vous conseiller les mesures à prendre, en tenant compte du cas particulier du réseau concerné (voir la page «contacts»).
Il est évidemment préférable de me demander une expertise AVANT que la situation ne soit devenue catastrophique. Le coût d'une telle expertise est sans commune mesure avec celui d'une grave insuffisance de graissage, et les coûts de rétablissement de la situation sont d'autant plus faibles que l'on s'y est pris tôt..
LES PIEGES DE L'ORGANISATION
Dans le monde de l'économie, chaque acteur essaie de réduire ses coûts, quitte à les reporter sur les autres acteurs, et cela est vrai aussi aux Chemins de Fer.
Appliqué au graissage des rails, cela conduit à bien des soucis. En effet :
Un graisseur en panne, cela n'arrête pas un train (mais on a vu que beaucoup de graisseurs en panne peuvent arrêter beaucoup de trains).
Avec la technique utilisée (graisseurs embarqués), c'est la maintenance du Matériel Roulant qui paye les dépenses et c'est la maintenance de la Voie qui encaisse les bénéfices.
Les rails commencent à s'user bien avant les roues.
Actuellement l'organisation des chemins de fer s'oriente vers
la gestion par centre de profits
l'évaluation des dirigeants par leurs résultats de gestion à court terme
la séparation de l'Infrastructure et du Matériel Roulant
Cette organisation conduit au scénario suivant :
Les responsables de la maintenance du Marériel Roulant, pressés par leur Direction Financière limitent le nombre d'engins graisseurs et font des économies sur la maintenance des graisseurs, entrainant à la longue une insuffisance du graissage.
La situation se dégrade progressivement, entrainant d'abord les plaintes des responsables de la Voie, puis l'envolée des usures de boudins. On arrive à une situation de crise.
Cette situation alarme la Direction Générale, qui fait mettre en oeuvre un plan de redressement, nécessairement très onéreux. Les crédits sont débloqués pour réaliser une maintenance d'un niveau correct et éviter le retour de la situation de crise.
La situation est rétablie, il n'y a plus d'usure anormale.
Au bout de quelques années, tout le monde a oublié l'incident et on est prêt pour recommencer un nouveau cycle.
Des amorces de solutions
La formation et l'information des dirigeants de la maintenance du Matériel et de l'Infrastructure peuvent les amener à considérer qu'en cas d'insuffisance de graissage, ils n'auront peut-être pas le temps de «refiler la patate chaude» à leur successeur, s'ils se trouvent dans le cas évoqué au chapitre précédent.
La séparation en Sociétés de gestion de l'infrastructure et opérateurs ferroviaires n'entraine pas de façon inéluctable la fin du graissage des rails. Il faut cependant que les gestionnaires d'infrastructure imposent aux opérateurs une clause concernant le graissage dans le cahier des charges d'admission des convois.
Lorsque j'ai quitté la SNCF, cette clause était prévue, mais pas encore mise au point.
Dans l'état actuel des connaissances, on ne peut que se référer à une comparaison des systèmes de graissages des convois candidats à l'admission avec des systèmes connus et exploités avec succès dans des conditions voisines du réseau concerné.
Il y a encore du travail à faire pour mes successeurs !